Jacques Heim, the unsung visionary - "Vintage pre-loved designers" series: unsung designers of the 20th century

JACQUES HEIM, le visionnaire méconnu - Série "Vintage pre-loved designers", les créateurs méconnus du 20e siècle

Jacques Heim, le visionnaire méconnu

   

1/ Dessin de collection, Maison Jacques HEIM ©Paris Musée, Palais Galliera
2/ Portrait de Jacques Heim, 1958, site DIKTATS
3/ Collection Haute Couture Jacques Heim Automne 1959. Jacques Heim A/H 1959-60 "Fanfaron", chapeau de Svend-Heim. Photo Philippe Pottier. Modèle Catherine Pastrie.


Couturier français, précurseur du bikini en 1932, concurrent direct de celui qui inventa la « bombe an-atomique », président de la Chambre Syndicale de la couture parisienne et fervent supporter du prêt-à-porter (PAP). Le nom de Jacques Heim vous évoque-t-il quelque chose ?

Jacques Heim est le premier créateur mis en lumière dans notre série d’articles sur les “designers pre-loved”, ces grands méconnus du 20ème siècle qui ont pourtant façonné la mode de leur époque. La mode vintage n’a pas pour seul mérite de redonner vie à des pièces d’exception qui, souvent, ont longtemps dormi dans les placards. Elle est aussi un moyen de faire perdurer l’histoire de la mode en remettant à l’honneur des créateurs dans l’ombre. Et Jacques Heim en est un excellent exemple, car c’est un des créateurs majeurs de l’histoire de la Haute Couture, qui est pourtant resté un anynonyme pour le grand public face aux prestigieux couturiers que sont Christian Dior, Gabrielle Chanel, Yves Saint Laurent, etc.

Et c’est bien là la mission de Lysis: favoriser l’accès non seulement à des pièces de seconde main haut de gamme, mais aussi à la connaissance de l’histoire de la mode, pour prendre conscience ensemble de ce qui fait la valeur et la beauté intemporelle de chaque pièce chinée.


Les origines d'un créateur de mode visionnaire passionné d'art

Jacques Heim naît en 1899 à Paris. Peu de temps avant sa naissance, ses parents, juifs d’origine polonaise, montent un atelier de fourrure. Dès les années 1920, il travaille à leurs côtés et, très vite, Jacques commence à confectionner des robes ainsi que des manteaux. Il collabore notamment avec l’artiste Sonia Delaunay, pionnière de l’art abstrait, et ensemble ils mêlent mode et art. En 1925, tous deux participent même à l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes à Paris, où ils présentent « la boutique simultanée » et leurs « tableaux textiles » : les vêtements se conjuguent avec la peinture, mariant couleurs et imprimés géométriques, novateurs pour l’époque.


 

 

 

 

 

 1/ Deux mannequins portant des manteaux de fourrure dessinés par Sonia Delaunay, avec la voiture du journaliste Kaplan et peinte d'après l'un des tissus de Sonia Delaunay, Exposition internationale des arts industriels et décoratifs modernes, Paris 1925 Courtesy de la Bibliothèque nationale de France, Paris
2/ Jacques Heim (Fourrures) & Sonia Delaunay 1925 Art Exhibition : tirage original d'époque édité en 1925 Jacques Heim (Fourrures) & Sonia Delaunay

 

Dans les années 30, il crée la Revue Heim, en collaboration avec le critique d'art Marcel Zahar. "C'est le premier rapprochement entre art et mode après peut-être la Gazette du bon ton de Lucien Vogel en 1912", écrit Didier Grumbach dans son livre Histoire de la mode.

1/ Heim - Revue Heim, n°4 (1932, mars) / Diktats du site 

A cette même période, Sonia Delaunay retourne à la peinture alors que le couturier décide d’adjoindre à l’activité originelle un département de couture : l’atelier de fourrure familial devient alors la maison de couture Jacques Heim. Ses créations se démarquent et sont résolument modernes, avec une utilisation de matières nouvelles et un sens certain pour les proportions.

Et son amour pour l’art ne s’arrête pas là. Il collectionnera tout au long de sa vie des tableaux de Picasso ou encore de Modigliani.


Le scandaleux maillot de bain "Atome" de Jacques Heim

En 1932, Jacques Heim lance « Atome », un maillot de bain deux-pièces composé d’un soutien-gorge à volants et d’une culotte bouffante taille haute laissant voir le ventre mais couvrant le nombril – le bikini n’est plus très loin. Le nom « Atome » vient de sa taille et de sa faible quantité de tissu. Malheureusement, le succès n’est pas au rendez-vous, les femmes de l’époque ne sont pas encore prêtes à dévoiler autant leur corps.

Peut-on néanmoins affirmer qu’il est le créateur du bikini ? Celui-ci est lancé par Louis Réard et dévoilé pour la première fois officiellement en 1946 lors d’une présentation à la piscine Molitor, porté par une danseuse de Casino, Micheline Bernardini. Cette tenue suscita d’abord l’indignation ! Si provocatrice pour l’époque, la plupart des mannequins auraient refusé de le porter. Le nom aussi bouscule les codes ; il viendrait de l’essai nucléaire américain qui a eu lieu la même année, sur l’atoll de Bikini aux îles Marshall, dans le Pacifique.

Cependant, la bataille acharnée que ces deux créateurs de maillots de bain se livrent est publicitaire et à coups de slogans publicitaires : "Le bikini : une bombe an-atomique" vs "Atome, le plus petit maillot de bain du monde". Il faudra attendre les années 60 et la libération sexuelle pour que ce maillot de bain trouve enfin sa place dans les mœurs.


 Évolution du maillot de bain deux pièces "Atome"
1/ Atome dans les années 1940
2/ Jacques Heim et son Atome Bikini-1946

Jacques Heim bouscule les codes de la Haute Couture 

Contrairement à « l’Atome », la ligne « Haute Fourrure » de Jacques Heim rencontre tout de suite le succès. Le « Lapin Heim » lui vaut même une grande renommée ! A tel point que Gabrielle Chanel, Lanvin ou Poiret, grands noms de la Haute couture, lui confièrent la création de leurs collections de fourrures. La réussite est au rendez-vous, tout comme pour ses costumes de plage inspirés des paréos tahitiens ou encore les tailleurs paysans ornés de laine brodée. 


Précurseur une nouvelle fois avec sa collection printemps-été 1934, Jacques Heim est le premier à utiliser le coton dans la Haute Couture. A l’époque, c’est la soie, l’organza ou la mousseline qui étaient préférées au coton. En 1937, il déménage au 15 de l’avenue Matignon, une adresse plus en accord avec son nouveau statut « Haute Couture ». 

La même année, il lance « Heim Jeunes Filles », des collections conçues pour s’adapter aux goûts de la jeunesse, et ce sera un nouveau succès. Les jeunes filles ont ainsi leurs salons avec des catalogues où elles choisissent leurs tenues, en soie, dentelle, et autres matières souples et agréables à porter. En 1946, Jacques Heim signe le premier contrat de licence de prêt-à-porter féminin pour sa marque « Heim Jeunes Filles », avec une société américaine, Junior Ligue.

1/ Modèle en pardessus en laine à carreaux rose champagne et blanc, double boutonnage rose par Jacques Heim Jeunes Filles, photo de Francesco Scavullo, Harper's Bazaar, Février 1962

 

L'après-guerre et le rôle de Jacques Heim dans le développement du prêt-à-porter

En 1940, la seconde guerre mondiale fait rage, et conformément aux lois sur l’aryanisation, Jacques Heim doit céder sa place à un administrateur provisoire. Deux années plus tard, c’est en tentant de regagner la France libre, caché dans une locomotive, qu’il fait connaissance de Pierre Balmain. En 1943, il est arrêté lors d’une autre traversée et évite de peu les camps de concentration.

Au sortir de la guerre, Jacques Heim s’inscrit dans le renouveau de la silhouette féminine initiée par Christian Dior et son “New Look”, des femmes fleurs à la taille soulignée et aux jupes amples, comme le montre sa robe « Fracinelle » et son asymétrie graphique.

 

1/  Printemps - Été 1949, robe de jour en taffetas bleu nuit, dont la jupe s’ouvre pour laisser s’enfuir deux rangées de jupons en taffetas rayé noir et blanc. Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris

En 1949, il confie la confection de ses manteaux et vestes à C.Mendes, une usine familiale qui fabriquait des modèles pour les plus grands couturiers. Ne trouvant aucun spéciaiste pour la reproduction de ses robes, il fonde alors sa propre maison de confection, Maria Carine, en 1950. C’est la première structure qui assure une diffusion mondiale du prêt-à-portersous la griffe d’un couturier. En 1956, il ouvre à Rio de Janeiro un salon de Haute couture sous la griffe « JH », qui occupe l’un des étages des grands magasins Mesbla. 

 En 1958, sa renommée est telle qu’il devient président de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne, et le reste jusqu’en 1962. Sa présidence tombe en pleine période de transition entre un certain déclin de la Haute couture annonçant l’avènement du prêt-à-porterdans le monde de la mode. Dès sa nomination, il fonde le groupement du Prêt-à-Porter Création, un groupe de défense et de coordination, auquel neufs grandes maisons de couture adhèrent, comme Carven, Lanvin ou encore Nina Ricci, dans le but de mettre davantage de lumière sur les créations de prêt-à-porter.

L’envie de Jacques Heim d’étendre le travail du couturier à des lignes de prêt-à-porter de luxe remonte à un voyage à New York qu’il fait en 1934 avec le couturier Lucien Lelong. A la fin des années 1950, il constate que les ventesde la Haute couture baissent, en lien notamment avec la hausse des copies et contrefaçons. Jacques Heim, via ce groupement, encourage alors le développement du prêt-à-porter et sensibilise les marques à cette opportunité commerciale. Son ambition est de moderniser la Haute couture et ses créations illustrent parfaitement ce changement, avec « Heim Jeunes Filles » ou encore « Jacques Heim Actualité », collections révolutionnaires et moins coûteuses. Il est désormais possible de parler de prêt-à-porter de luxe !

Jacques Heim est un des premiers à faire sortir des maisons de couture les défilés. Jusque dans les années 60, les photographies sont interdites lors des défilés de Haute couture et les croquis sur le vif également, tant la contrefaçon est omniprésente. Parallèlement à la levée de l’interdiction, à la fin des années 1960, considérant que la réputation du designer prend le dessus, la scénographie des défilés se transforme, et ces derniers sortent des salons traditionnels.

En novembre 1962, il fait décoller ses mannequins pour un défilé à bord d'un avion à 6000 mètres du sol, entre Paris et Genève. Dans la même lignée, cette année là, Gaby Aghion fait également défiler ses premières robes Chloé au café de Flore à Paris en 1962.


Sa réputation est telle, qu’il sera le couturier attitré de Madame de Gaulle en France lors de la présidence du général de Gaulle, et Madame Eisenhower aux États-Unis. Il habillera de nombreuses actrices de cinéma et de théâtre, comme la magnifique Sophia Loren. 

  

1/ Jacques Heim A/H 1951, modèle Ann Gunning. Photo ©Henry Clarke/Galliera/Roger-Viollet

L'héritage de Jacques Heim dans le monde du vintage

Jacques Heim décède le 8 janvier 1967 et sa maison de couture ferme deux années plus tard. Plus qu’un couturier et un artiste, c’était un directeur visionnaire, acteur majeur de la démocratisation de la mode. Après sa mort le New York Times commente dans l’une de ses chroniques « Jacques Heim, un grand homme jovial qui ressemblait plus à un homme d’affaires ou à un banquier plutôt qu’à un couturier » !

Jacques Heim fait partie de ces créateurs que le temps a fait oublier au grand public. Il n’a pas eu la chance, contrairement à ces marques « Belles endormies », comme la Maison Patou récemment, de reprendre vie grâce à des investisseurs croyant au potentiel historique de ces Maisons. Ses archives sont aujourd’hui entre les mains d’anciens clients qui l’ont transmis à de nouvelles générations, ou chinées par des passionnés de mode, qui peut-être parfois, ignorent tout de ce grand créateur, mais savent reconnaitre une belle pièce.

Nous espérons que l’histoire de Jacques Heim vous donnera envie de vous mettre en quête de ses créations, d’aller chiner ses plus belles pièces: vestes courtes intemporelles, joyeux foulards en soie imprimés, élégants manteaux en laine, robes de cocktail, robes de soirée couture…


Notre mission chez Lysis est précisément de faire revivre des pièces vintage de créateurs connus mais aussi méconnus du public mais qui ont marqué l’histoire de la mode par leur créativité. Le pouvoir du vintage est de se rappeler de ces hommes et femmes tout en redonnant une chance à des pièces iconiques de grande qualité.


SOURCES :

https://www.diktats.com
https://www.palaisgalliera.paris.fr
D.Grumbach, Histoire de la mode, Éditions du Regard, 2008
D.Bruna et C.Demey , Histoire de la mode et du vêtement, Editions Textuel, 2018

A regarder: vidéo issue des archives de l'INA :  https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caf97040536/la-mode-1962


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